Le Mexique a
décidément beaucoup à dire quant à la violence de sa société ; Después de Lucia l’année dernière,
également sélectionné à Cannes, dépeignait une certaine jeunesse dorée qui
martyrisait la jeune Lucia, endeuillée par la mort de sa mère et arrivée depuis
peu dans leur ville. Une adolescente fragilisée par le chagrin que ces fils à
papa désœuvrés se faisaient un plaisir de torturer.
Dans La Jaula de Oro - traduction La cage dorée -, trois ados se voient
fragilisés car ils ont une obsession pour laquelle ils sont prêts à tout :
entrer aux Etats-Unis, cet Eldorado qu’on leur refuse et qu’ils ne peuvent
qu’espérer rejoindre clandestinement. Issus de la pauvreté guatémaltèque,
évoquée en quelques plans lourds de sens (lit de fortune monté sur des cageots,
cartons pour isoler un peu la pièce que recouvre un toit de tôle ondulé), trois
gosses qui rêvent d’un avenir meilleur. Juan et Sara qui se connaissent et sont
vaguement amoureux comme on peut l’être à cet âge, se lançant des vannes la
moitié du temps. Au Mexique, ils croisent sur leur route un jeune Indien qui ne
parle pas espagnol, Chauk, mais à qui les yeux de Sara racontent beaucoup de
choses, eux… Pour plus de sécurité, Sara a coupé ses boucles brunes et bandé sa
poitrine, et voilà le trio parti de train en train (entendez le toit des trains
de marchandises), rencontrant quantité d’obstacles à leur voyage. Car bien sûr,
on traque les clandestins qui comme eux cherchent le moindre trou de souris
pour passer la frontière.
Dans une
esthétique quasi-documentaire, très réaliste, le cinéaste espagnol Quemada-Diez
nous livre une réalité qui ne peut qu’émouvoir, riche de détails quant aux
conditions rencontrées tout au long de ce parcours du combattant. Au-delà de la
peur, des contrôles de police qui peuvent survenir à tout moment sur des
milliers de kilomètres, le cinéaste évoque la mécanique ô combien sinistre inhérente
à une certaine pauvreté : quand ce ne sont pas les flics qui arrêtent les
ados pour les dégager mais aussi tripoter Sara sous le regard lubrique de leurs
collègues, ce sont d’autres personnages, par le passé sans doute aussi démunis que
les trois jeunes gens mais enrichis par des trafics douteux, qui les attaquent.
Comme si à chaque fois qu’un pauvre trouvait plus pauvre et fragile que lui, il
en profitait pour l’avilir un plus. Ainsi jusqu’au bout de leur voyage dont je
ne révèlerai pas l’issue, c’est la violence, l’extorsion, le mensonge qui attendent
nos trois héros à chaque nouveau bout de terre.
Contrepoint
salvateur à la noirceur humaine décrite plus haut, l’amitié entre les trois
adolescents éclot progressivement, se passant de mots et éclairant de sa belle
évidence la dureté du monde qui les entoure.
Les
adolescents sont partis sans plan sérieux, la naïveté de leur jeunesse fait
d’eux des proies faciles, certes. Mais c’est avant tout leur désir fou de
parvenir aux Etats-Unis qui les rend inconscients, eux comme les adultes qu’ils
croisent en chemin, aveuglés par la même nécessité. C’est dire la dureté du
pays qu’ils souhaitent quitter… Dans le générique de fin, le cinéaste remercie
les quelques 600 migrants rencontrés sur la route pendant le tournage. Chaque
jour, combien d’hommes et de femmes se risquent à cette aventure dont si peu
sortent gagnants ou seulement même vivants ? Une conclusion s’impose
alors : quiconque n’est pas obsédé par l’idée de quitter son pays pour
survivre est un homme chanceux, et d’une certaine façon un homme heureux.