mardi 13 octobre 2015

"Loin des hommes", David Oelhoffen



Voilà un film que beaucoup d’entre nous n’avaient pas vu lors de sa sortie en 2014. Il est encore temps de le découvrir en DVD. Au casting, Viggo Mortensen et Reda Kateb, décidément de grands comédiens, qui relèvent le défi de jouer dans une langue étrangère. A la mise en scène, le Français David Oelhoffen qui avait déjà signé Nos retrouvailles en 2007. L’Atlas, dans sa beauté et son aridité, est ici le théâtre hivernal du début de la guerre d’Algérie raconté par le prisme d’une rencontre entre deux étrangers. Ils pourraient se haïr, ils vont se respecter.
Nous sommes en 1954. La rébellion gronde. Daru (Viggo Mortensen), instituteur ayant choisi de vivre au contact d’enfants dont l’innocence le préserve de la sauvagerie des hommes, est tiré de sa tranquillité. Un Français lui amène Mohamed (Reda Kateb), un jeune Arabe accusé d'assassinat. Il charge Daru d’emmener le coupable dans la ville de Tinguit, à une journée de marche, pour qu’il y soit jugé. Pas question pour Daru de refuser, ce serait faire affront au clan des colons auquel il appartient malgré lui. C’est donc sa vie ou celle de Mohamed. Pour l’humaniste cabossé par la vie qui sommeille en l’instituteur, ce contrat n'a pas de sens.

Daru (Viggo Mortensen) et Mohamed (Reda Kateb)
viennent d'abattre un homme.
             
Ils feront finalement la route ensemble dans cet Atlas de western où les attaquants peuvent surgir à tout moment. Munis d’une simple besace et d’un fusil, les deux hommes ponctuent les silences de quelques échanges qui révèlent par petites touches qu’ils sont l’un comme l’autre pris dans un conflit qui les dépasse. Tandis que les obstacles se multiplient sur un chemin long et périlleux, une protection mutuelle, instinctive, s'installe. Loin des hommes décidés à s’entretuer, délestés le temps de leur voyage du poids de l’appartenance à une communauté qui dicte ses lois, ils redeviennent deux individus qui peuvent se respecter, voire se comprendre. Mohamed, malgré les invitations répétées de Daru à poursuivre sa route loin de Tinguit, tient à s’y rendre. Parce que la loi du talion est légion et qu’une guerre de clans le pousse à se sacrifier. Daru, lui, a déjà beaucoup vécu. La lassitude se lit dans ses yeux fatigués. Pris en otage avec Mohamed par des rebelles, il retrouve parmi eux d’anciens soldats ayant combattu à ses côtés pour la France pendant la Seconde guerre. Les voilà désormais prêts à tout  pour combattre les Français… Ainsi va l’absurdité de la guerre.
            Inspiré d'une nouvelle de Camus, L'Hôte, voilà un film qui touche à l'universel, digne de l'écrivain. Par opposition, ces deux personnages à l'écoute l'un de l'autre mais à leurs risques et périls, disent tout de la folie des hommes cloisonnés par les communautés et les cultures. Ainsi, par une voie singulière de l’ordre de la fable, la dureté du conflit algérien affleure ; mais aussi une note d’espoir. Comme le résume Daru à Mohamed qui l’interroge sur ses origines en réalité espagnoles, « Pour les Français, on était des Arabes. Et maintenant, pour les Arabes, on est des Français… » 1954 ou 2015, communautarisme, tradition, religion, droit du sol et que sais-je encore, n’ont pas fini de diviser les hommes. Certains heureusement en font fi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire