Voilà un film
que beaucoup d’entre nous n’avaient pas vu lors de sa sortie en 2014. Il est
encore temps de le découvrir en DVD. Au casting, Viggo Mortensen et Reda Kateb,
décidément de grands comédiens, qui relèvent le défi de jouer
dans une langue étrangère. A la mise en scène, le Français David Oelhoffen qui
avait déjà signé Nos retrouvailles en
2007. L’Atlas, dans sa beauté et son aridité, est ici le théâtre hivernal du
début de la guerre d’Algérie raconté par le prisme d’une rencontre entre deux
étrangers. Ils pourraient se haïr, ils vont se respecter.
Nous sommes en 1954. La rébellion gronde. Daru (Viggo
Mortensen), instituteur ayant choisi de vivre au contact
d’enfants dont l’innocence le préserve de la sauvagerie des hommes, est tiré de
sa tranquillité. Un Français lui amène Mohamed (Reda Kateb), un jeune Arabe accusé d'assassinat. Il charge Daru d’emmener le coupable dans la ville de
Tinguit, à une journée de marche, pour qu’il y soit jugé. Pas question pour Daru
de refuser, ce serait faire affront au clan des colons auquel il appartient
malgré lui. C’est donc sa vie ou celle de Mohamed. Pour l’humaniste cabossé par
la vie qui sommeille en l’instituteur, ce contrat n'a pas de sens.
Daru (Viggo Mortensen) et Mohamed (Reda Kateb) viennent d'abattre un homme. |
Ils
feront finalement la route ensemble dans cet Atlas de western où les attaquants
peuvent surgir à tout moment. Munis d’une simple besace et d’un fusil, les deux
hommes ponctuent les silences de quelques échanges qui révèlent par petites touches
qu’ils sont l’un comme l’autre pris dans un conflit qui les dépasse. Tandis que les
obstacles se multiplient sur un chemin long et périlleux, une protection mutuelle, instinctive, s'installe. Loin
des hommes décidés à s’entretuer, délestés le temps de leur voyage du poids de l’appartenance à une communauté
qui dicte ses lois, ils redeviennent deux individus qui peuvent se respecter, voire se comprendre.
Mohamed, malgré les invitations répétées de Daru à poursuivre sa route loin de
Tinguit, tient à s’y rendre. Parce que la loi du talion est légion et qu’une
guerre de clans le pousse à se sacrifier. Daru, lui, a déjà beaucoup vécu. La
lassitude se lit dans ses yeux fatigués. Pris en otage avec Mohamed par des
rebelles, il retrouve parmi eux d’anciens soldats ayant combattu à ses côtés pour
la France pendant la Seconde guerre. Les voilà désormais prêts à tout pour
combattre les Français… Ainsi va l’absurdité de la guerre.
Inspiré d'une nouvelle de Camus, L'Hôte, voilà un film qui touche à l'universel, digne de l'écrivain. Par opposition, ces deux personnages à l'écoute l'un de l'autre mais à leurs risques et périls, disent tout
de la folie des hommes cloisonnés par les communautés et les cultures. Ainsi,
par une voie singulière de l’ordre de la fable, la dureté du conflit algérien affleure ; mais aussi une note d’espoir. Comme le résume Daru à
Mohamed qui l’interroge sur ses origines en réalité espagnoles, « Pour les Français,
on était des Arabes. Et maintenant, pour les Arabes, on est des Français… » 1954 ou 2015, communautarisme, tradition, religion, droit du sol et que
sais-je encore, n’ont pas fini de diviser les hommes. Certains heureusement en font fi.
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