jeudi 6 juin 2013

"La Jaula de Oro", Diego Quemada-Diez



Le Mexique a décidément beaucoup à dire quant à la violence de sa société ; Después de Lucia l’année dernière, également sélectionné à Cannes, dépeignait une certaine jeunesse dorée qui martyrisait la jeune Lucia, endeuillée par la mort de sa mère et arrivée depuis peu dans leur ville. Une adolescente fragilisée par le chagrin que ces fils à papa désœuvrés se faisaient un plaisir de torturer.

Dans La Jaula de Oro - traduction La cage dorée -, trois ados se voient fragilisés car ils ont une obsession pour laquelle ils sont prêts à tout : entrer aux Etats-Unis, cet Eldorado qu’on leur refuse et qu’ils ne peuvent qu’espérer rejoindre clandestinement. Issus de la pauvreté guatémaltèque, évoquée en quelques plans lourds de sens (lit de fortune monté sur des cageots, cartons pour isoler un peu la pièce que recouvre un toit de tôle ondulé), trois gosses qui rêvent d’un avenir meilleur. Juan et Sara qui se connaissent et sont vaguement amoureux comme on peut l’être à cet âge, se lançant des vannes la moitié du temps. Au Mexique, ils croisent sur leur route un jeune Indien qui ne parle pas espagnol, Chauk, mais à qui les yeux de Sara racontent beaucoup de choses, eux… Pour plus de sécurité, Sara a coupé ses boucles brunes et bandé sa poitrine, et voilà le trio parti de train en train (entendez le toit des trains de marchandises), rencontrant quantité d’obstacles à leur voyage. Car bien sûr, on traque les clandestins qui comme eux cherchent le moindre trou de souris pour passer la frontière.
Dans une esthétique quasi-documentaire, très réaliste, le cinéaste espagnol Quemada-Diez nous livre une réalité qui ne peut qu’émouvoir, riche de détails quant aux conditions rencontrées tout au long de ce parcours du combattant. Au-delà de la peur, des contrôles de police qui peuvent survenir à tout moment sur des milliers de kilomètres, le cinéaste évoque la mécanique ô combien sinistre inhérente à une certaine pauvreté : quand ce ne sont pas les flics qui arrêtent les ados pour les dégager mais aussi tripoter Sara sous le regard lubrique de leurs collègues, ce sont d’autres personnages, par le passé sans doute aussi démunis que les trois jeunes gens mais enrichis par des trafics douteux, qui les attaquent. Comme si à chaque fois qu’un pauvre trouvait plus pauvre et fragile que lui, il en profitait pour l’avilir un plus. Ainsi jusqu’au bout de leur voyage dont je ne révèlerai pas l’issue, c’est la violence, l’extorsion, le mensonge qui attendent nos trois héros à chaque nouveau bout de terre.
            Contrepoint salvateur à la noirceur humaine décrite plus haut, l’amitié entre les trois adolescents éclot progressivement, se passant de mots et éclairant de sa belle évidence la dureté du monde qui les entoure.
Les adolescents sont partis sans plan sérieux, la naïveté de leur jeunesse fait d’eux des proies faciles, certes. Mais c’est avant tout leur désir fou de parvenir aux Etats-Unis qui les rend inconscients, eux comme les adultes qu’ils croisent en chemin, aveuglés par la même nécessité. C’est dire la dureté du pays qu’ils souhaitent quitter… Dans le générique de fin, le cinéaste remercie les quelques 600 migrants rencontrés sur la route pendant le tournage. Chaque jour, combien d’hommes et de femmes se risquent à cette aventure dont si peu sortent gagnants ou seulement même vivants ? Une conclusion s’impose alors : quiconque n’est pas obsédé par l’idée de quitter son pays pour survivre est un homme chanceux, et d’une certaine façon un homme heureux.