jeudi 31 octobre 2013

"Gravity ", Alfonso Cuarón



Avant même la sortie du film sur nos écrans, le buzz a été tel sur la toile que quelques critiques aigris se sont bien sûr sentis obligés de faire la fine bouche et de conclure avec l'éternel « beaucoup de bruit pour rien ». On rêve… Et bien le bruit, parlons-en. Le son plus exactement.
Gravity propose non seulement des images à couper le souffle, nous faisant vivre une expérience cinématographique hors norme et très intense, mais propose aussi un travail fascinant sur le son. Les cinéastes, selon leur propos, peuvent jouer avec le son avec plus ou moins d’insistance. C’est ainsi que dans un tout autre genre, Sur mes lèvres de Jacques Audiard avait exploré cette piste via son héroïne, sourde mais appareillée, nous plongeant comme elle dans un monde où la perception sonore modifiait les sensations. Tour à tour, les impressions de silence, d’isolement ou au contraire de violence extrême donnaient aux événements une tout autre dimension.
Dans Gravity, le son est un personnage à part entière ; dès la première scène, différents niveaux sonores nous plongent dans l’espace : liaison radio avec la Terre, fond de musique country qu’écoute le très détendu George Clooney, voix plus tremblante de Sandra Bullock loin d’être habituée aux conditions de vie des cosmonautes, et le silence, immense, qui les environne, à 600 kilomètres de la Terre. Aux perceptions visuelles inouïes que les caméras-robots de Cuarón – bras souples et puissants – ont permis dans des plans séquence vertigineux, le travail sur le son nous immerge dans l’aventure de l’apesanteur. Car très vite, Bullock sera la seule rescapée, perdue dans ce vide intersidéral, et n’aura pour seul compagnon que ce silence. L’expérience sensorielle à laquelle Cuarón nous invite est une épreuve émotionnelle et sensorielle de bout en bout, car au silence effrayant succèdent par endroits des explosions, désintégrations et chutes sans fin dans le vide spatial, accentuées par une musique vrombissante qui participe du contraste et nous met en tension. Le cinéaste souhaitait que le suspense nous scotche à notre fauteuil de bout en bout, je confirme !
Paradoxe de ce réalisme spectaculaire auquel est parvenu Cuarón, l’enchaînement de péripéties pour la cosmonaute Bullock est lui, peu crédible, mais cela n’a aucune importance ! Le scénario est celui d’un film catastrophe, confrontant son héroïne à des obstacles toujours plus difficiles à surmonter pour qu’à l’issue de cette journée cauchemardesque, elle s’en tire. Peu importe qu’une telle aventure ne puisse avoir lieu dans la réalité, c’est l’occasion d’un spectacle de toute beauté et d’une réflexion sur l’instinct de survie, les forces décuplées que l’on peut trouver en soi… « Ne rien lâcher » comme dit l’accroche de l’affiche, est par instant la condition obligatoire pour ne pas mourir quand au rebondissement suivant, savoir lâcher sera le seul moyen de ne pas sombrer définitivement dans le noir de l’espace… Nombre de métaphores sont possibles à la lecture du film, des plus scientifiques (danger des engins spatiaux et de leurs débris-déchets qui gravitent dans l'espace) aux plus métaphysiques.
Dernier point enfin : à ce niveau d’ingénierie technique – une actrice enfermée dans une boîte jouant seule ou presque face à des caméras programmées, entourée de leds dans un décor qu’elle doit imaginer de A à Z – je me surprends à être tout aussi émue que devant des films plus anciens, aux procédés cinématographiques plus artisanaux voire bricolés (c’est une fan de Cocteau qui vous parle). Dans les deux cas, le même entêtement d’un artiste à vouloir donner vie à son idée. Elle ne paraît pas réalisable compte tenu de l’état des techniques actuelles ? On inventera, on s’inspirera d’un prédécesseur comme James Cameron qui a ouvert la voie avec son Avatar, on innovera. Une énergie, une foi, une obsession guident ces artistes qui parviendront à donner vie à un projet qui paraissait impossible. Peu de défis résistent à la passion de ces cinéastes têtus, grands chefs de mission.

1 commentaire:

  1. I totally agree with your avis, notamment en ce qui concerne le son. Ca fait dix jours que je me dis qu'il faut que je chronique ce film que j'ai adoré, malgré ses "pesanteurs" (hihihi), va falloir que je suive ton bon exemple !

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